William B.
« En prenant le temps d’observer plus attentivement, je me suis diagnostiqué moi-même »
Je suis enseignant et je me préparais à partir dans un chalet avec quelques ami·e·s à la fin de l’année scolaire lorsque j’ai remarqué un petit bouton sur le bout de mon pouce. Je n’en ai pas fait grand cas et je me suis mis en route vers le chalet.
Environ un mois plus tôt, j’ai demandé à mon médecin de famille si je pouvais avoir le vaccin contre la mpox. Je suis un homme gai sexuellement actif et je vis dans une petite ville. J’espérais pouvoir être vacciné par mon médecin local et ne pas avoir à faire les deux heures et demi de route vers Toronto. Mon médecin m’a répondu qu’il ne savait pas comment accéder au vaccin, mais qu’il ferait des recherches pour moi. La réponse qu’il a finalement obtenue de la Santé publique était, « Nous ne savons pas quand on y aura accès, ne rappelez plus s’il vous plaît. »
En revenant du séjour au chalet, je ne me sentais pas bien du tout. J’avais une irritation cutanée dans mon dos et quelques taches sur ma poitrine que j’imaginais être des morsures d’araignées. J’avais cependant aussi l’impression qu’il pouvait s’agir de symptômes de la syphilis secondaire. J’étais très inquiet de mon état de santé et je suis retourné voir mon médecin de famille le jour après mon retour. Nous avons eu une conversation au sujet des araignées dans les chalets et des ITSS et il a rempli une demande d’analyse de sang. Je demeurais inquiet et j’ai demandé (exigé) de recevoir le traitement contre la syphilis immédiatement. Heureusement, il a accepté et avait la dose appropriée de médicament à portée de main dans sa clinique. Si vous avez eu la syphilis, vous savez à quel point ces vaccins sont douloureux. Je n’avais pas envie de repousser le traitement pendant que j’attendais les résultats de l’analyse sanguine ; l’irritation cutanée était sévère et je ne me sentais vraiment pas bien.
Après les vaccins, j’ai attendu 20 minutes dans son bureau pour m’assurer de ne pas avoir de réaction indésirable. Après que mon médecin ait quitté la pièce, j’ai observé mes bras et mes jambes et ça m’a frappé : j’avais la mpox ! Une simple recherche d’images sur Google sur mon téléphone a confirmé mon autodiagnostic. En prenant le temps d’observer plus attentivement, je me suis diagnostiqué moi-même !
Lorsque mon médecin est revenu pour m’inviter à partir, j’ai partagé mes réflexions avec lui et lui ai montré les comparaisons à partir des images que j’avais trouvées sur Google. Il a immédiatement fait un prélèvement du bouton sur mon pouce, qui était maintenant une grande pustule suintante et douloureuse, afin de l’envoyer au bureau de santé publique local pour le faire faire analyser. Il est une très bonne personne, mais il n’avait pas les connaissances au sujet de la mpox et m’a dit que j’en savais probablement plus que lui sur le sujet. Le seul conseil qu’il m’a donné était de retourner à la maison et d’attendre.
Un·e représentant·e de Santé publique m’a appelé plus tard le même jour et m’a dit que j’aurais les résultats du test plus tard dans la même journée. Ça a fini par prendre quatre jours et demi et le test était positif. Heureusement, en tant qu’enseignant, j’étais déjà en congé et je n’ai perdu aucun jour de travail. Les expert·es médicaux à qui j’ai parlé m’ont avisé de m’isoler pendant deux semaines, mais ont aussi dit avoir entendu que ça pouvait s’étendre à un mois. Je suis resté en isolement pendant sept semaines. Je ne pense pas aller mieux aujourd’hui, et personne ne m’a vu — on m’a seulement dit que j’allais mieux. Je suis censé retourner au travail la semaine prochaine et je suis inquiet parce que j’enseigne à de jeunes enfants qui me grimpent souvent dessus.
En ce qui a trait aux symptômes, j’ai eu de la fièvre et toutes mes jointures me faisaient mal. Les symptômes ressemblent à la syphilis, ce qui rend la mpox difficile à détecter avant l’arrivée des pustules. Je connais une autre personne qui l’a contractée et qui pensait que ce n’était que des insectes qui l’avaient mordu lorsqu’il passait la tondeuse. Toutes les pustules sont douloureuses — j’en ai eu quelques-unes dans mon oreille et, évidemment, la plus grosse se trouve sur mes fesses : je m’assois sur une seule fesse depuis six semaines et demie.
La partie la plus difficile à accepter est que j’ai demandé le vaccin, été répondu par une non-réponse à un problème réglable, qu’on m’a refusé le vaccin et que j’ai ensuite contracté un cas assez sévère de la mpox ! Il doit certainement y avoir une personne dans le gouvernement provincial qu’on peut appeler et qui peut aviser les bureaux de santé publique de la date prévue pour la distribution du vaccin, ou conseiller la mise en place de cliniques mobiles, ou n’importe quoi d’autre que la réponse « ne rappelez plus s’il vous plaît » à laquelle j’ai eu droit.
Depuis le début de ma maladie, on ne m’a offert aucun médicament contre la douleur, personne n’est venu m’examiner. On ne m’a rien donné pour le soulagement des symptômes et je n’ai eu accès à aucune information au sujet de ce qui m’attend. Je n’avais pas le droit d’aller faire mon épicerie ou toute autre course. Il n’y a eu aucune forme de soutien offerte par mon bureau de santé publique local. C’était inconfortable de le dire à mes parents, mais iels habitent près de chez moi et faisaient mon épicerie pour moi. Iels ne voulaient pas le dire à mes nièces et neveux ou à ma sœur.
J’ai été marié pendant 15 ans et lorsqu’on s’est divorcé il y a deux ans, j’ai trouvé la liberté sexuelle. Je suis une bonne personne. Je travaille tous les jours, je paie mes impôts et je suis sexuellement actif. Je suis aussi très au courant de tout ce qui entoure mes comportements sexuels. Cela dit, habiter dans une petite ville et avoir la mpox, c’est comme avoir une grosse marque dans le front. Quand des voisins me posaient des questions au sujet de mes pansements, j’avais l’impression de devoir mentir et de dire que j’avais été attaqué par des guêpes en travaillant sur le terrain. Il y a 21 pansements sur mes jambes, mes bras et mon torse. Je me tiens à distance des gens quand je promène mon chien. Je me suis senti humilié tout le long de ma convalescence. L’isolement, c’est terrible.
Les seules choses auxquelles j’ai eu droit de la part de la Santé publique sont trois appels de contrôle médical, quelques textos provenant d’un·e infirmier·e quelque peu paniqué·e et la directive de rester à la maison. On m’a récemment informé que je pouvais mettre fin à mon isolement étant donné que les pustules sur mes mains et mes bras ont guéri et qu’une nouvelle couche de peau se forme. Par contre, ma peur d’infecter d’autres personnes demeure, parce que comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai encore quelques pustules dans mes oreilles et j’en ai remarqué des nouvelles sur mon torse et mon front il y a quelques jours. Au début de tout ça, personne ne m’a avisé de recouvrir les pustules avec des pansements, et de comment cette pratique aide les cicatrices à guérir et peut minimiser leur impact sur la peau à long terme (jusqu’à ce que je lise la publication sur le site Web du CBRC). Il n’y a pas de programmes de repas ou de soutien social dans le coin.
Je suis chanceux d’avoir un filet de sécurité sociale et financière, mais je pense beaucoup aux personnes qui n’ont pas cette chance. Je ne peux pas m’imaginer le stress ressenti par une personne qui contracte le virus, qui s’isole pendant aussi longtemps et qui n’a pas l’argent, les ressources, le soutien social d’ami·e·s ou d’une famille à ses côtés. J’ai de la chance. Je pouvais me permettre de commander mon épicerie en ligne pendant 7 semaines (tout juste) et la récupérer du dispendieux Loblaws situé à 20 minutes de voiture de chez moi tout en maintenant la distanciation sociale exigée. Je suis chanceux d’avoir un emploi qui m’accorde le privilège d’avoir assez d’argent pour avoir une voiture. Beaucoup de gens n’ont pas l’option de faire l’épicerie avec une voiture.
Il n’y avait pas non plus de programmes de soutien financier de la part du gouvernement pour la mpox, comme ceux qui ont été déployés pendant COVID. Si je manque un chèque de paye, ce n’est pas la fin du monde, mais si j’en manque deux, je suis ruiné. Je remercie l’univers d’être enseignant, avec des avantages sociaux et des journées de maladie, et du fait que j’étais en vacances d’été lorsque j’ai contracté le virus. Mais comment peut-on m’aviser de retourner au travail quand j’ai des plaies ouvertes dans mes oreilles et deux ou trois autres de plus sous des pansements ?
En tant que personne demeurant dans une zone rurale, le manque d’accès à des services de santé que ma communauté et moi vivons est une source importante de frustration pour moi. Plusieurs personnes dans ma communauté ne s’affirment pas ouvertement et ont, j’imagine, peur de demander des tests de dépistage d’ITSS de la part de leur médecin de famille. Personne ici ne se fait tester pour quoique ce soit. Dans mon expérience, si les personnes de ma communauté ont le courage de demander un dépistage d’ITSS à leur médecin, elles ont de fortes chances d’être humiliées et de ressentir de la honte.
Par exemple, lorsque je suis arrivé dans la campagne ontarienne il y a cinq ans, j’ai eu énormément de difficulté à trouver un·e médecin de famille, mais pas pour les raisons auxquelles on pourrait s’attendre. Les cinq médecins avec qui j’ai pu avoir une première consultation ont tous·tes été horriblement homophobes. Iels semblaient dans l’incapacité de me traiter dans le respect, en tant qu’être humain, et étaient manifestement ignorant·e·s par rapport à la santé des hommes gais. Iels avaient des biais idéologiques, étaient homophobes et avaient une opinion rigide négative à l’égard des hommes gais et de ce que nous représentons. Je ressentais de la honte et de l’humiliation en sortant de chacune de mes consultations d’ouverture de dossier. Heureusement, j’ai éventuellement trouvé un médecin génial pratiquant à environ une heure d’où j’habite (en direction contraire de mon travail) qui m’a accordé une heure et demie lors de notre première consultation. J’y ai été traité avec le respect que tous les êtres humains méritent. Bien qu’il ne soit pas nécessairement expert en santé des hommes gais, il était ouvert à s’informer, et ne voyait pas de problème à communiquer avec l’équipe de soins de santé que je voyais auparavant à Toronto pendant 25 ans.
Lorsqu’on contracte la mpox, il faut défendre ses propres droits et intérêts, et ce n’est pas tout le monde qui peut le faire dans la campagne ontarienne. L’isolement a été très difficile pour moi, et j’ai des sources de soutien social. Je pense qu’il s’agit d’une occasion pour les hommes gais de toutes les parties de la province de créer des liens communautaires. Même si on ne connaît pas bien une personne, communiquer avec elle et tisser un lien peut avoir un impact positif sur le bien-être d’une personne pendant une période douloureuse, effrayante et difficile. Le renforcement de la communauté et des liens entre nous, c’est si important.
William B. (un pseudonyme) vit en périphérie d’une petite ville de la campagne ontarienne.